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Les nouvelles orientations stratégiques d’ADECCO : la stratégie Future@Work

Le contexte : Adecco dispose d’une position financière avantageuse mais perd des positions sur ses marchés en France depuis plusieurs années

 

Comme ses deux principaux concurrents Adecco a beaucoup perdu des parts de marché ces dernières années, passant de 21% à 16% de parts de marché en volume.

Cette baisse de parts de marché commence avec la sortie de la crise de 2008 : après avoir subi d’importantes restructurations, les acteurs historiques ont développé des approches généralistes et se sont concentrés sur l’industrie, marché porteur et moins accidentogène, avec des accords nationaux et des taux de recours à l’intérim élevés. La disparition de la marque ADIA et avec elle de la spécialisation automobile et BTP s’inscrit dans cette évolution.

Cette période correspond à la montée en puissance de challengers qui ont su développer des spécialités sur des secteurs d’activité difficiles (BTP pour Proman, aéronautique pour CRIT et Synergie par exemple).

Afin de compenser la perte de leurs parts de marché, les leaders du travail temporaire ont massifié leurs process, rationalisé leurs réseaux et réduit leurs coûts : 

  • Avec la mise en place des Hubs dans les grandes villes, Adecco a fait évoluer le modèle de l’agence traditionnelle et réduit ses coûts immobiliers. 
  • Avec le déploiement des Onsite, Adecco a segmenté son organisation en développant une approche dédiée aux grands comptes. Aujourd’hui, la DO Onsite représente 30% du chiffre d’affaires des activités General Staffing.

Début 2021, les incertitudes sont fortes sur le marché de l’intérim en France. Il est probable en tout cas que 2021 ne devrait pas permettre de retrouver le même niveau d’activité qu’en 2019.

 

Future@Work : la nouvelle stratégie d’ADECCO

Celle-ci repose notamment sur le développement des solutions emplois : le marché de l’intérim a pivoté et devient un marché de candidat : la valeur étant aujourd’hui plus du côté du candidat que du client : cela suppose de mettre en place une vraie politique RH au service des candidats et des intérimaires fondée sur trois piliers : 

  • Le développement des compétences (apprentissage, formation, VAE)
  • La prévention de l’accidentologie, l’intérim étant devenu le secteur le plus accidentogène de France
  • La fidélisation

C’est l’objectif des Solutions Emplois qui reposent sur 4 types d’offres : 

  1. Le recrutement : au travers de ses marques Adecco, Badenoch & Clark et Spring
  2. L’évaluation : ce marché est en pleine mutation avec de plus en plus d’offres d’auto-évaluation des candidats
  3. Le développement des Pôle de compétences partagées (PCP) :
  4. Les CDII et les CDIA : 17 métiers pénuriques ont été identifiés  dont 15 chez Adecco France. Le modèle économique qui s’appuie sur les aides de l’Etat (Mission France Relance qui alloue 8000 € par emploi en alternance qui a été prolongé jusqu’à la fin de l’année) et sur les fonds de la formation professionnelle. Le problème, c’est que les fonds disponibles sont aujourd’hui asséchés et que la branche a décidé d’arrêter le financement des nouveaux CDPI. Ne s’est-on pas un peu emballé depuis plusieurs mois ? Nous constatons aujourd’hui des situations ou des salariés intérimaires ont été formés mais ne sont pas détachés par manque de demande de nos clients.

Un autre axe central de cette stratégie est le lancement d’Adecco Quickmatch. Cette activité a été lancée en janvier 2020, à partir d’une technologie développée en partenariat avec la SSII indienne Infosys sous la marque ADIA en 2016 : la solution s’est déployée en Suisse sur le secteur de l’hôtellerie restauration, puis en Grande-Bretagne, en Allemagne puis en France en 2018. Les débuts n’ont pas été couronnés de succès et ADIA n’existe plus qu’en Suisse et aux Etats-Unis. 

Adecco France a récupéré la technologie Adia pour lancer Quickmatch, en ciblant le secteur de l’hôtellerie à Paris. Mais la crise sanitaire de 2020 a conduit Adecco à repenser le modèle et à ouvrir d’autres secteurs (agriculture, industrie, agroalimentaire, logistique, distribution) et à déployer sur toute la France. 

A partir d’octobre 2020, Quickmatch a été relancé sur ces nouvelles bases, avec des objectifs de croissance très ambitieux : 3% du CA Adecco France en 2021 puis 5% en 2022 et 7% en 2023. 

L’échec d’Adecco Quickmatch et la décision récente d’abandonner le projet nous interroge sur l’avenir de la stratégie digitale d’Adecco. Nous en saurons sans doute plus dans les prochains mois ! L'investissement sur AQM représentait des millions. Lors du lancement, les élus avaient alerté des risques de dysfonctionnement mais la direction ne nous a malheureusement pas entendus.  

 

L’évolution du métier de recruteur : facilitateur de la transaction, il devient conseil du talent / client

Avec le déploiement des outils numériques, une partie de la chaîne de valeur s’automatise :

  • Généralisation de l’utilisation de portails clients en autonomie par le client 
  • Développement d’outils numériques à destination des candidats (application mobile, chatbot)
  • Montée en puissance des outils numériques qui automatisent la transaction entre le candidat et le client

Le recruteur, dont le métier est de faciliter et de permettre la relation entre le client et le candidat va voir son rôle évoluer avec ce mouvement : le besoin d’intervention humaine pour faciliter la transaction va se réduire peu à peu ; le client et le candidat seront de plus en plus autonomes pour se mettre en relation et gérer leur transaction (passer un test de recrutement, publier une offre, faire un contrat de travail, saisir des heures, déclarer ses disponibilités, signer un contrat de travail, etc...).

Le recruteur interviendra de plus en plus aux côtés du client et du candidat en amont et en aval de la transaction : 

  • Accompagnement à la maîtrise des outils de la transaction (portail clients et portail candidats)
  • Aide à la définition et à l’anticipation du besoin du client en utilisant des données historiques et des benchmarks
  • Élaboration d’une stratégie de sourcing avec le client, aide à la sélection de profils de candidats
  • Définition d’un plan de carrière avec un candidat
  • Aide à la mise en avant des compétences du candidat
  • Animation d’une communauté de candidats

Il s’agit d’un véritable changement de métier pour les recruteurs :: 

  • Il sera à côté du candidat ou du client et pas entre les deux.
  • Les compétences mobilisées évoluent : animation de communautés, mentoring, conseil.
  • La perte de la maîtrise de la transaction implique également un abandon de pouvoir aux acteurs de la transaction : je ne maîtrise plus mon vivier ni les besoins de mes clients. 
  • L’accord récent de GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels) signé à l’unanimité des organisations syndicales représentatives a vocation à aider à accompagner ces évolutions.